L’irruption de motifs traditionnels de la céramique d’Iznik dans la faïence française au 19e siècle est très certainement due à l’arrivée massive de plusieurs centaines de pièces Iznik dans l’un des musées prestigieux de l’époque, à savoir le musée de Cluny. Il s’agissait d’une collection rassemblée par Auguste Salzmann, consul de France à Rhodes, et acquises par le gouvernement français pour le musée de Cluny, à partir de 1865. 532 d’entre elles se trouvent aujourd’hui au musée de la Renaissance, au château d’Ecouen en banlieue parisienne, à proximité de Roissy en France. Deux autres établissements possèdent également un grand nombre d’Iznik, à savoir le musée national de la céramique de Sèvres (créé en 1824), et le département d’art islamique du musée du Louvre.
La provenance initiale de ces pièces laissa penser qu’elles étaient l’œuvre de potiers persans, qui auraient été prisonniers des chevaliers de l’ordre de Saint-jean de Jérusalem à Rhodes (Lindos en grec). C’est la raison pour laquelle les céramiques d’Iznik furent appelées en France céramiques de Rhodes ou céramiques de Lindos, et ce jusqu’au début des années 1960, du moins dans les milieux non spécialisés.
La matière utilisée dans les céramiques d’Iznik est une terre siliceuse qu'on mélange à un peu d'argile et de fritte plombifère et qu'on enduit d'un engobe blanc. La pièce sèche au soleil puis est colorée par des oxydes métalliques, posées au pinceau. Elle reçoit ensuite une glaçure transparente incolore qui contient de l'étain et est cuite dans un four clos. Les premiers décors (de 1530 à 1555) sont bleus sur fond blanc, à l'imitation des porcelaines de l'époque Ming. Les potiers imposent vite un répertoire personnel, composé de tulipes, de jacinthes, d'oeillets et de roses. À partir de 1555 apparaît le rouge d'Iznik ou bol d'Arménie, argile appliquée en couche épaisse et qui permet enfin de poser le vermillon sur des poteries de grand feu. L’interdiction de représentations humaines ou animales dans l’art islamique fut largement transgressée par les artisans d’Iznik, dont l’iconographie s’enrichit de représentations humaines, de vaisseaux, d’imbrications d’écailles de poissons et d’animaux. La production ne s’étalera que sur deux siècles, le 16e et 17e
L’arrivée sur la scène culturelle française dans les années 1860 d’une telle explosion de motifs floraux et de couleurs influença immédiatement les céramistes français et européens dans leur recherche de nouveaux décors et de nouvelles inspirations. Un étonnant fonds esthétique s’ouvrait soudainement à leurs yeux. A tel point qu’il est possible d’affirmer aujourd’hui, qu’Iznik fut certainement, parmi bien d’autres, l’une des sources qui alimenta l’essor de l’Art Nouveau en Europe.
Un autre événement important dans l’avènement d’Iznik en Europe tient aussi à la publication, dans les années 1850, des 6 volumes de « l’encyclopédie des arts décoratifs de l’Orient », réalisée par Adalbert de Beaumont et Eugène Victor Collinot. Collinot, également céramiste de talent, fut d’ailleurs le concurrent direct de Théodore Deck, notamment en ce qui concerne les pièces à décor Iznik.
Théodore Deck, Edmond Lachenal, Boch Frères Kéramis, Zsolnay, Cantagalli, Emile Gallé, Samson s’emparèrent d’Iznik pour produire, selon les céramistes et les manufactures concernées, soit des copies conformes dont certaines étaient tellement excellentes qu’elles devinrent extrêmement difficiles à différencier d’un Iznik original pour un œil non averti, soit des adaptations reprenant les motifs floraux originaux avec l’adjonction de nouvelles palettes de couleur, soit des interprétations pleines et entières, où l’on assistait à une mutation plus ou moins grande de la source d’origine. Ces pièces n’étaient absolument pas destinées aux marchés orientaux mais à la bourgeoisie européenne, désireuse d’acquérir pour le décor de ses demeures, les copies des pièces qu’elle avait commencé à contempler dans les musées. Voici la très courte histoire de certains de ces céramistes ou manufactures qui se spécialisèrent également dans l’Iznik « européen ».
BOCH FRERES KERAMIS (1767)
Créée à l’origine en 1767 au Luxembourg, refondée par Victor Boch en 1841 à La Louvière en Belgique, la manufacture engagea dès le départ les meilleurs artistes de Delft et de Maastricht (les importations de porcelaine d’Extrême Orient avaient déjà exercé une influence profonde sur la faïence de Delft, qui allait à son tour donner le ton aux productions européennes, comme par exemple à Rouen, Nevers, Lille et La Louvière). Anna Boch, Théo Van Rysselberghe pendant la période Art Nouveau, Charles Catteau et Raymond Chevallier, pendant la période Art Déco, parmi tant d’autres, contribuèrent à la renommée de la manufacture, qui suivit également tous les grands courants artistiques de l’époque comme le japonisme, l’africanisme et l’avant-gardisme.
L’influence orientale à La Louvière commença dès 1850, avec les grès fins où furent utilisés des décors persans, jusqu’en 1870. Le style « Rhodes », quant à lui, est attesté chez Boch Frères dès 1883, dans la mesure où les premières pièces de cette série furent présentées à l’exposition universelle d’Amsterdam la même année. Le catalogue BFK de 1887 montre une majorité de pièces « Rhodes » à décor floral constitué de tulipes, jacinthes, œillets, feuilles de Saz disposées en rinceaux que l’on retrouve sur des plats, des assiettes, des plateaux, des bouteilles, des cruches, des potiches, des pichets etc. Ce même catalogue nous renseigne même sur les prix de l’époque, 12 francs par exemple pour l’achat d’une bouteille à décor Iznik (ayant nécessité 7 heures de main d’œuvre, avec le labeur d’un artisan de haut niveau qui aura été payé environ 30 centimes de l’heure)… Quant à la plaquette de la manufacture éditée pour l’année 1894, elle fait référence directement aux « faïences persanes et de Rhodes, dont le musée de Cluny de Paris renferme une collection si riche et si intéressante, qui attirèrent vivement l’attention de Keramis ».
Les décors « persans » furent arrêtés avec l’arrivée de Charles Catteau au début du 20e à La Louvière, mais devaient reprendre quelques décennies plus tard, avec la résurgence dans les années 1940 des motifs « persans » obéissant au principe du « cloisonnement des décors » dans la production Keramis. Ces réalisations dans le genre de celles de Longwy sont probablement issues de l’atelier de Raymond Chevallier, qui arriva à La Louvière en 1937.
MANUFACTURE SAMSON (1845 – 1980)
Fondée à une toute petite échelle en 1845 par Edme Samson (1810-1891) au 38 de la rue Saintonge, quartier des faïenciers et des porcelainiers, la manufacture s’installa en 1879 à Montreuil à l’époque d’Emile Samson (1837-1913), où plus de 40 ouvriers étaient employés. Néanmoins, Samson gardera toujours des magasins sur Paris, au 25 de la rue de Vendôme (cette rue changera de nom pour devenir la rue Béranger), adresse où la manufacture disposera de plus de 40 salles d’exposition, et ouvrira en 1895 une succursale au 30, avenue de l’Opéra. Léon Samson (1864-1928) développa l’entreprise qui employa à la fin du 19e siècle jusqu’à 150 ouvriers et artistes. Pierre Samson (1892-1976) prit la succession en 1928, et passa le relais à son fils François dans les années 1950. Cédée à Christian Richardière en 1964, l’entreprise déclina progressivement, jusqu’à ce que l’usine de Montreuil finisse par arrêter toute production en 1979/1980. L’immense stock de modèles en céramiques de la manufacture Samson fut dispersé aux enchères (5 ventes chez Christie’s en 1971, 1979 et 1980, et une vente chez Couturier Nicolay le 18 décembre 1978). Un grand nombre de moules de céramiques islamiques furent vendus directement par l’usine à la faïencerie Géo Martel à Desvres.
La maison Samson était capable de tout reproduire : Les céramiques chinoises depuis l’époque Ming avec ses émaux aux trois couleurs sur biscuit en demi grand feu, les fonds noirs, en passant par les Kang-Hi, puis les décors sur émail, ceux de la famille rose, la Compagnie des Indes, les porcelaines du Japon, les porcelaines européennes avec leurs différentes pâtes, genre tendre et dure, aussi bien dans le style Chelsea que Vieux saxe, les faïences de grand feu genre Delft, Rouen, les faïences fines de petit feu de moufle genre Sceaux, Marseille, Strasbourg, les biscuits, les terres cuites, les émaux sur cuivre depuis les reproductions d’anciens champlevés du 13e jusqu’au émaux peints des 16e, 17e et 18e, et, dans le cas qui nous intéresse, les céramiques d’Iznik du 16 et 17e siècles.
Souvent signées d’un monogramme (appliqué en général sous couverte pour les pièces orientales) où figurait toujours la lettre S (pour Samson), plus ou moins stylisée, il arrivait également que certaines pièces soient non signées dès le départ, ou soient « débarrassées » de leur signature ou monogramme par leur acquéreur.
Le succès de la manufacture Samson au 19e s’explique notamment par la création des musées de Sèvres (1824), de Cluny (1843), de Limoges, et du musée des arts décoratifs. La bourgeoisie de l’époque pouvait ainsi s’offrir des pièces semblables à celles possédés par les grands collectionneurs, et n’avait strictement aucun état d’âme à exposer une copie. Samson s’adressait à une clientèle de luxe, française et étrangère, composée en grande partie de revendeurs. Henry Ford II, Douglas Dillon, les Agnelli, pour ne citer que quelques noms, acquirent des Samson.
(Les informations relatives à la manufacture Samson proviennent de plusieurs sources, et notamment d’un article de Florence SLITINE, publié dans le N° 7 de la Revue de la Société des Amis du Musée National de la Céramique, « C’est un vrai Samson ! »)
THEODORE DECK (1823 – 1891)
Fils d’un teinturier en soie, Théodore Deck est né à Guebwiller en 1823, où se trouve aujourd’hui le musée du Florival, consacré à son œuvre. Il débuta sa carrière comme apprenti chez Hügelin père, fabricant de poêles à Strasbourg, et y apprit la décoration des plaques par incrustation de pâtes colorées, dite technique de Saint-Porchaire. Il partit ensuite à Berlin, chez Feilner, lui aussi fabricant de poêles, pour y être initié aux fines terres calcaires utilisées pour les carreaux de faïence afin de les rendre ingerçables. Il visita également l’Autriche, la Hongrie et la Tchécoslovaquie, avant de gagner ensuite Paris. Il retourna en Alsace suite à la révolution de 1848, passa quelques années à Guebwiller, Strasbourg et probablement à Haguenau, et revint à Paris en 1851, où il travailla en tant que contremaître pour Madame Veuve Dumas, fille d’un potier bavarois qui avait installé une fabrique de poêles. C’est en 1856 qu’il ouvrit avec son frère Xavier, un atelier de faïence décorative au 46 du boulevard Saint-Jacques, et commença sa carrière dans la capitale avec l’imitation des faïences fines du 16e, dites de Saint-Porchaire.
En 1858, les « ateliers Deck » furent installés au 20, passage des Favorites, dans le quartier de Vaugirard. L’étude des faïences anciennes commença alors, et des échantillons de céramique du monde entier s’accumulèrent à Vaugirard. Deck s’attaqua à la mise au point des céramiques siliceuses en partant des céramiques persanes et des « Rhodes ». Découvrant que ces céramiques étaient recouvertes en sous-couche d’un engobe très blanc qui recouvre le biscuit et intensifie la luminosité des couleurs appliquées dessus, il détermina les éléments de base de cet engobe. et, en partant des silicates alcalins, composa un revêtement spécial susceptible de « faire vibrer les couleurs », pour aboutir à une pureté de coloration inconnue en Occident. Deck donna le nom de faïence siliceuse à la pâte blanche qu’il obtint en ajoutant à une pâte classique une fritte sableuse contenant de la potasse, de la soude et de la craie. Cette nouvelle pâte recevait, après la cuisson de biscuitage, une couche d’enduit dit « engobe alcalin blanc », contenant en forte proportion la même fritte pour faciliter l’accord avec le support. L’introduction d’un émail stannifère assurait la fonction de fondant lors du deuxième feu ou feu de vitrification de l’engobe. Le but recherché par Deck était l’obtention d’une sous-couche très blanche et non poreuse permettant aux couleurs du décor de mieux se développer, avec plus de pureté, sous la glaçure plombeuse transparente et très brillante.
Les premières pièces en « Rhodes » furent présentées à l’exposition des arts industriels de Paris en 1861, et débouchèrent sur un véritable triomphe. Paul Dalloz, du Moniteur Universel, écrivait le 7 décembre 1861 que « les teintes éblouissantes (de ces faïences) semblent des reflets électriques, et (que Deck) a du rechercher les secrets des anciennes faïences chinoises et persanes pour obtenir ces tons roses d’aurore boréale, ces bleus de ciel d’Egypte, ces vers d’émeraude en fusion et ces lueurs féeriques ». Deck continuera ses recherches afin d’améliorer ses pièces, et améliorera la peinture sous couverte, faite sur la pâte cuite qui sera ensuite recouverte par la glaçure. C’est au cours de cette deuxième cuisson que la couverte entrera en fusion, dissolvant les couleurs dont les molécules se répartissent dans toute l’épaisseur, donnant ainsi une extraordinaire profondeur aux émaux.
Dès 1863, Deck accueillera des élèves dans son, atelier, et contribuera à la formation d’artistes comme Bracquemond, Camille Moreau Nélaton, Edmond Lachenal, etc. Il confiera également à un grand nombre de ses amis peintres le soin de concevoir l’ornementation de ses céramiques, tels Albert Anker, Louis Carrier-Belleuse, Raphaël Collin, François Glück, Paul Helleu, Louis Hamon, Joseph Ranvier, Emile Reiber… L’année 1869 voit l’ouverture d’un magasin de vente rue Halévy, dans le nouveau quartier de l’Opéra, dont il confiera la gestion à sa sœur.
En 1874, Deck présentera à l’exposition de l’union centrale des arts décoratifs ses émaux transparents et cloisonnés, avec l’apparition du célèbre bleu turquoise aux vibrations encore inconnues et qu’on appellera le « bleu Deck ». Les couleurs extraordinairement lumineuses y gagnent alors une propriété curieuse : elles brillent avec le même éclat à la lumière artificielle qu’au soleil et conservent leurs valeurs dans le temps.
En 1875, il est nommé à la commission de perfectionnement de la manufacture de Sèvres. Sa participation à l’exposition universelle de 1878 retient l’attention, car c’est à cette occasion qu’apparaissent ses pièces à fonds d’or sous couverte, réalisées après l’éblouissement que provoqua chez lui la vue des mosaïques de la basilique Saint-Marc à Venise. Le couronnement de sa carrière arrive en 1887, quand il est nommé administrateur général de la Manufacture Nationale de Sèvres. Il laisse alors la direction de son entreprise à son frère Xavier et à son neveu Richard. Il se consacrera à Sèvres à la fabrication de porcelaines tendres, améliorées au point de leur donner des dimensions jamais atteintes et auxquelles il appliquera ses glaçures céladon et turquoise. Il participera également à l’exposition universelle de 1889, a laquelle sera également présent Emile Gallé, qui y exposera des céramiques.
Les Iznik de Deck sont avant tout des Deck. Coloriste dans l’âme, il rechercha le moyen de conserver aux couleurs l’intégralité de leur éclat, à tel point que nombre de ses réalisations sont plus réussies que les originaux dont il s’inspira. Ne voulant garder pour lui aucun de ses secrets, Deck publiera en 1887 un livre intitulé « La Faïence », dans lequel il divulguera l’essentiel de son art. Décédé le 15 mai 1891, Deck fut enterré au cimetière du Montparnasse. Bartholdi, qui réalisa son monument funéraire, inscrivit sur sa stèle « il arracha le feu au ciel »… Les ateliers Deck ne lui survivront à peine que quelques années.
(Les informations relatives à Théodore Deck proviennent de plusieurs sources, et notamment d’un article de Pierre Kjellberg, publié dans le N° 331 de Connaissance des Arts de septembre 1979, d’un autre de Jacques-Guy Peiffer, publié dans le N° 39 de la revue de la Céramique et du Verre daté mars/avril 1988, et d’une longue étude de Robert Maury publiée dans ABC Décor en novembre 1969.)
EDMOND LACHENAL (1855 – 1930)
Entré chez Théodore Deck à l’âge de 15 ans, il y devint chef des ateliers. Il quitta son illustre maître pour ouvrir sa propre maison au début des années 1880 à Malakoff, qu’il transporta ensuite en 1887 à Châtillon-sous-Bagneux. Quelques-uns des plus grands céramistes de la période Art Déco, tels que Henri Simmen (1880-1963) ou Emile Decoeur (1876-1953), qui fut son apprenti de 1890 à 1907, furent à leur tour ses élèves. Edmond Lachenal, quant à lui, fut l’un des maîtres du style Art Nouveau, et sa collaboration avec des sculpteurs fut très abondante (Rodin, Agnès de Frumerie, Dejean, Saint Marceau, Jozan…). Sa maîtrise technique lui permit d’aborder toutes les variétés céramiques. Ses décors et ses sujets ; toujours dans un esprit naturaliste, sont innombrables. On lui doit notamment un émail très fin, d’aspect et de texture extrêmement soyeux, dû à l’utilisation de l’acide hydrochlorique. Il créa également du mobilier, notamment lors de sa participation à l’exposition de Paris en 1900.
Edmond Lachenal produisit un très grand nombre de pièces à décor Iznik.
RAOUL LACHENAL (1885 – 1956)
Formé chez son père Edmond, il exécuta ses propres pièces dès l’âge de 16 ans et exposa pour la première fois à 19 ans des porcelaines et des grès haute cuisson. Raoul Lachenal continua son apprentissage dans la maison Jeannin et Guérineau. Il monta son propre atelier de porcelaine de grand feu à Boulogne sur Seine en 1911, à laquelle il adjoignit une production de faïence et de grès. En 1914, il exposait au pavillon de Marsan avec plusieurs autres céramistes, et ses pièces aux décors en écailles et ses essais symétriques obtinrent un assez grand succès. De nombreux achats effectués à cette époque permirent à Raoul Lachenal d’entrer dans les collections de Sèvres, du Luxembourg et du musée des Arts Décoratifs. Il produisit des poteries aux formes simples et symétriques d’inspiration orientale, décorés de motifs géométriques en relief sur des fonds à l’aspect velouté. Il utilisa les glaçures mates et flambées, les associations de couleurs tranchées, les finissages craquelés blancs, et pratiqua aussi un genre d’émail cloisonné.
Au grand désespoir de son père Edmond, qui aurait voulu que son fils devienne également tourneur, Raoul Lachenal utilisa le procédé de coulage dans des moules, et ses recherches débouchèrent sur des grès flammés, des grès à décors d’écailles et motifs géométriques, dans une polychromie originale et discrète, sur des formes ovoïdes ou rectangulaires évoquant parfois l’extrême-orient. Une production céramique bleu égyptien fut commercialisée à New York par l’intermédiaire de Carole Stupell.
Raoul Lachenal exécuta également des pièces à décor Iznik, qui datent essentiellement de sa période passée dans l’atelier paternel.
JACQUES LACHENAL ET L’ATELIER LACHENAL
Troisième « Lachenal », Jacques, également fils d’Edmond, travailla dans l’atelier de Chatillon. Il acquit sont titre de maîtrise en 1914, au début de la première guerre mondiale. Quelques mois après le début des hostilités, le lieutenant Jacques Lachenal, très gravement blessé, était ramassé sur le champ de bataille par des ambulanciers allemands et emmené en captivité.
Evacué vers un hôpital en Suisse après un séjour d’une année en Allemagne, il y créa une école de céramique, qu’il continua également dans l’hôpital du Val de Grâce où il fut conduit au début de la dernière année de la guerre, en compagnie de quelques uns de ses camarades. Des verriers, séduits par cet effort, mirent à la disposition de Jacques Lachenal des fours à la Courneuve et à Saint-Denis. La première exposition de l’Atelier Lachenal eut lieu au printemps 1918.
Jacques Lachenal s’installa ensuite dans la maison de son père à Châtillon, ce dernier venant de déménager à Versailles. « Les blessés de l’Atelier Lachenal » présentèrent régulièrement chaque année au mois de décembre leur production à la galerie de la Boétie. L’atelier Lachenal exposa également à la galerie de la Renaissance et à la galerie des magasins du Bon Marché. Les peintres Paul Baudier, Jacques Simon, J.J. Dufour et Henri Gaulet, le sculpteur Félix Févola collaborèrent avec l’atelier.
Les quelques pièces à inspiration Iznik de l’atelier Lachenal sont très stylisées.
(Les informations relatives aux Lachenal proviennent de plusieurs sources, et notamment d’un article publié dans « l’Art Vivant » le 1er aout 1928, d’un autre paru dans le numéro d’octobre 1929 de la revue « l’Art et les Artistes », du site www.ceramique1900.com et du site http://cecilet.free.fr/ceramique/ )
ZSOLNAY
Manufacture fondée en 1851 par Miklos Zsolnay à Pécs, principale ville du Sud-ouest de la Hongrie. Son fils Ignac en assura la direction de 1853 à 1865, puis le frère cadet Vilmos (1840-1900) lui succéda pour en faire une manufacture de renom, et faire connaître à l’Europe toute entière la marque aux cinq clochers aux croix de Lorraine. La production était considérable : de l’objet de décoration à l’élément architectural en « pyrogranite » (pâte mise au point en 1895), en passant par l’objet utilitaire largement produit entre 1851 et 1872. La présence fort remarquée de Vilmos Zsolnay à l’exposition universelle de Vienne en 1874 marqua le début de la période la plus créative, dont l’apogée se situera entre 1897 et 1914. Secondé à partir de 1870 par ses filles Julia, initiée au japonisme, et Therez, il laissa derrière lui une équipe de techniciens, peintres, modeleurs, chimistes et collaborateurs, sous la direction de son fils Miklos (1857-1922). On lui doit un fameux rouge éosiné élaboré en 1893 avec le chimiste Vince Wartha (1844-1914), qui participa également à l’élaboration des diverses techniques du lustre. Il est également à noter que l’un des Zsolnay effectua un voyage d’études en Asie Mineure (Turquie actuelle) en 1887/1888, pour en ramener un grand nombre de pièces et de fragments céramiques.
(Les informations relatives à Zsolnay proviennent du site www.ceramique1900.com, et d’une étude de Imre Katona, « Les céramiques éosinées Zsolnay précoces »)
CANTAGALLI
La poterie florentine « Figli di Giuseppe Cantagalli » fut restructurée en 1878 par Ulisse Cantagalli (1839-1904), et se spécialisa notamment dans la copie des majoliques italiennes de la Renaissance, des céramiques d’Iznik et des pièces hispano-mauresques à lustre métallique. La maison Cantagalli gagna rapidement en notoriété, au point de rivaliser avec Ginori à Florence, Minghetti à Bologne ou Ferniani à Faenza, et acquit une réputation internationale grâce à sa participation aux foires de Milan (1881), Turin (1884), Anvers (1885) et Venise (1887).
(Les informations relatives à Cantagalli proviennent d’un article de Dora Thornton, « Lustred pottery from the Cantagalli workshops », publié dans le numéro de février 2000 de la revue Apollo)
Vous trouverez également sur le site Akérart des pièces de Jérôme Massier Fils, Emile Gallé, André-Fernand Thesmar, Royal Copenhagen, et Faïence de Paris. Néanmoins, il s’agit la plupart du temps d’essais isolés, n’ayant pas entraîné une production nombreuse ou différents modèles et variantes.